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libération - 17 janvier 2002

Jacques Rebotier donne corps à la mécanique du langage à Nanterre

Qu’il est beau le débit des mots

Avant un spectacle, la salle bruisse de conversations, de journaux compulsés et de bonbons dé papillotés. Sur la scène des Ouvertures Sont de Jacques Rebotier, quand le public s’installe, un homme marche de long en large dans un décor sépulcral, voilé par un rideau de gaze, avec au centre, la découpe d’un écran plat de télévision géante. Lorsque le noir se fait, les bruits du public sont aspirés de l’autre côté, c’est tout le plateau qui résonne de conversations feutrées, on est passé en douceur de l’autre côté du miroir. Puis, plus rien. Rien qu’un visage, comme suspendu au milieu de la scène. De quoi parle-t-il ? Du langage justement, de sa mécanique première, pneumatique, le souffle, l’inspiration et l’expiration : « On peut parfaitement observer sa parole sous l’angle des ouvertures et fermetures successives réglant le débit de l’air. Mais le risque est grand de ne plus comprendre ce que l’on dit. » Prenons le quand même.

Bouche à oreilles. Résumons l’intrigue : la scène se passe dans un crâne. Puis deux, car Océane Mozas rejoint le premier homme, Eric Frey, sans que leur propos viennent constituer la moindre ébauche de dialogue. Il s’agit donc d’une conversation intérieure, les gestes sont réduits au minimum, pour que l’on se concentre sur les corps des protagonistes, et plus encore sur leur voix, ou, comme le dit Rebotier, sur leur bouche : « Voilà, rester là, la bouche, et ce qui en sort, le fil de la voix, la mécanique du soufflle, tentative de rentrer par cette usine-là, la bouche : connecter sur spectateurs, très exactement leurs oreilles ». Exercice ingrat, dont on pense qu’une simple radio pourrait suffire à s’acquitter.
Mais chez Jacques Rebotier, homme de théâtre mais aussi musicien, mathématicien, comédien et poète, les mots prennent corps, un peu à la manière des phylactères des bandes dessinées, pour former des bulles qui éclatent sous nos yeux, tant ils sont triturés, tripatouillés, démontés, réduits à leur plus simple expression, qui se révèle d’ailleurs extrêmement complexe.
Exemple, tiré par la manche d’un précédent spectacle (Réponse à la question précédente): “Les mots eux aussi ont une tête et une queue, à l’excepté de ceux dont la tête est égale à la queue, comme cou-cou, né-né, ou tu-tu”. Quand au corps, il n’a qu’à bien se tenir sous peine, lui aussi, de passer à la découpe : “on pourrait diviser le corps suivant un axe horizontal et observer alors deux jambes, et deux bras, des pieds et des mains, une bouche, et un anus, deux fesses et deux lobes cérébraux, mais il serait difficile d’aller plus loin”.

Borborygmes :Ces propos dont la drôlerie ouvre des gouffres de réflexions, ne passent pas la rampe en toute tranquillité. Ils sont perturbés par une armée de parasites, dont les apparitions aléatoires tombent toujours à bon escient : annonces de gare tout aussi inintelligibles que les vraies, borborygmes pour relativiser le sérieux du discours et rendre la littérature à l’estomac. Tout cela produit une musique incongrue, l’exécution d’une « partition de paroles » pour restituer « dans sont étrange nudité l’infinie rumeur de la langue qui se parle à elle-même», qui dit quelque chose à nos cerveaux ».
Tout décontenancé que l’on soit par ce concerto déconcertant, on donne bien volontiers sa langue à ça.

Alain Dreyfus

le monde

Les papillons de Jacques Rebotier à l'assaut de la mondialisation

Dans la famille "Porto Alegre", Jacques Rebotier pourrait occuper la place du poète. Il manifeste, loin des autres, avec les autres, autrement.

Sans grandes phrases, sans déclarations tonitruantes, dans l'assemblage de mots frêles, baignés de sons de tous les jours et d'une lumière comptée. Ses bribes balbutiées s'opposent aux grands chœurs planétaires, et contraignent à dresser l'oreille, dans l'attente des craquèlements du béton libéral-total. Pouvoir écouter, simplement, représente déjà une forme de libération, de résistance. Une désaccoutumance de l'universel péremptoire. Pourtant, les "ouvertures" sont, reconnaît-il, en s'ingéniant à montrer qu'elles ne seraient pas. Il les voudrait simplement musicales, balayant les cliques et les couacs, pour une harmonie de scène.Jacques Rebotier aime parcourir les frontières. A condition qu'elles soient ouvertes. Sinon, il les prend par l'étymologie, par la géographie, et de leurs pointillés dessine le cadre d'un écran profond où vient s'inscrire un couple taillé présentateurs de télé. Lui (Eric Frey) et elle (Océane Mozas) délivrent les dernières nouvelles du front poético-politique. Ils forment le revers aimable des haut-parleurs de la globalisation. A ceux qui savent tout, en grands maîtres des dépêches, ils opposent le doute, la pudeur, l'ironie active de la personne éveillée, sensible aux frémissements de l'air. Ils sont comme deux papillons qui battraient des ailes sur le rebord d'une fenêtre, tenant en respect l'ombre d'un char d'assaut.

Jean-Louis Perrier

théâtreonline.com

Le Dos de la langue, paru récemment chez Gallimard, est un ensemble de textes qualifiés de “poésie courbe” par Jacques Rebotier, leur auteur. L’un d’eux porte en titre les Ouvertures sont (sans ponctuation finale). Discours syncopé, suite de réflexions rêveuses, sur les murs, les barrières, la peau, les frontières. Et ces trous qu’il y a dans les hommes, les maisons, les trains, la terre.-“La parole est un parasitage de la respiration” affirme Jacques Rebotier, et il le prouve.
On le connaît grand manipulateur de mots, grand maître de ces jeux retors qui démantibulent les sens connus, les distordent, les creusent, et finissent par en débusquer les sources de vie. On le connaît auteur, musicien, metteur en scène. (Rappelons ses dernières mises en scène au Théâtre des Amandiers : Eloge de l’Ombre et Vengeance Tardive.) Et toujours poète, imperturbablement saugrenu. Parce qu’il n’a pas écrit les Ouvertures sont en pensant au théâtre, il décide de porter sur scène ce texte totalement intérieur et finalement assez grave. Intime. Une sorte de conférence, ou de confidence. Juste le va-et-vient fascinant d’une pensée qui arrive par vagues calmes et irrégulières, qui entraîne dans le mouvement d’une logique poussée jusqu’à son point limite: l’absurde. Il s’ébroue dans l’irrationnel avec l’aisance d’un enfant malin, capable d’inventer plus, plus vite et plus fort que le plus sérieux des surréalistes. Ils sont deux, un homme et une femme, qui se passent la parole, unissent parfois leurs voix en une sorte de choeur, un choeur très quotidien dans un environnement de reflets lumineux. Comme si elle et lui habitaient un autre monde, étranger et familier, parcouru par les bruits que nous connaissons, qui traversent nos jours, les accompagnent – la rue, le métro, le vent, les téléphones, les imprimantes, les murmures de l’eau...ures de l’eau...


Colette Godard
www.theatreonline.com

aden

Ouverture, comme courant d’air ? Il est en tous cas question de souffle et de respiration, dans ce texte dont on serait tenté de dire qu’il a été écrit à voix haute. Musicien, Jacques Rebotier entend la phrase, les mots, le souffle. Et les fait entendre à travers les voix des comédiens Eric Frey et Océane Mozas. Tiré du Dos de la langue, son dernier recueil, Les Ouvertures sont procède par glissements, bonds, décrochages, associations d’idées, de sons. Cela commence dans le noir et dans un souffle, celui d’Eric Frey. Méthodique dans sa fantaisie, le texte vant tout en se retournant sur lui-même, tout en se regardant avancer. Les deux comédiens se posent en conférenciers discrets et volontiers investigateurs. Il ne savent pas vraiment où leur réflexions les mènera. Jacques Rebotier parle de “pensées papillotante”. Une pensée qui s’interroge sur les ouvertures et donc sur leur contraire, les fermetures. Par exemple, les murs : le rideau de fer, la ligne Maginot ou encore celui qui sépare les Etats-Unis du Mexique. Ce dernier pose la question de la libre circulation et permet d’intéressantes comparaisons sur ce qui se passe des deux côtés de la frontière. La pensée pourrait ainsi suivre sa divagation, des ouvertures du corps à celle de la maison par exemple. Ou en observant qu’en avion, les ouvertures “sont généralement fermées”. Tandis qu’”un vélo n’a que des ouvertures et pas de fermetures. A vélo, on peut presque rouler sur une frontière, sans appartenir à aucun pays”. On remarque qu’”un corps hermétiquement fermé cesse très vite d’être un corps”. Ainsi va cette fugue pétillante où la pensée se fait musique, jeu, servie par deux comédiens épatants.